-
Les croqueurs de mots. Défi n°173 : La magie de Brocéliande de Chloé
Les croqueurs de mots
lundi 7 novembre
Défi N° 173
Thème proposé par Josette
http://lacachetteajosette.blogspot.fr/2016/10/croqueurs-de-mots-defi-n-173.html#comment-form
Après les beaux voyages vous vous êtes désaltérés...d'un drôle de breuvage
On vous a servi une boisson
qui vous a statufié sur un banc public !
Racontez ce que vous voyez ou entendez
ou même ce qui se passe dans votre tête...
pour retrouver la réalité
La magie de Brocéliande
Quand Isabelle sa femme lui proposa cette ballade de 5 jours au cœur de Brocéliande, Kévin s’en amusa tant l’idée lui parut saugrenue.
« Voyons ma chérie, tu plaisantes là ? Tu me vois crapahuter pendant 5 jours en forêt sur les traces du roi Arthur ? Les légendes, les fées et les sorcières, on a passé l’âge tu ne crois pas ? Vas-y avec Béa si ça t’amuse vraiment moi j’ai une tonne de travail en retard et mille et une choses à faire ! »
« Ok, lui avait –elle répondu assez sèchement sans doute piquée au vif par ses propos. J’appellerai Béa mais à ton tour ne compte pas sur moi pour t’accompagner une semaine à ton congrès à Londres car confidence pour confidence, ça me barbe ! Un peu de marche t’aurait pourtant fait du bien pour perdre ce petit embonpoint naissant qui est en train de s’installer, avait-elle alors rajouté avec une pointe d’ironie.
Comme toujours, elle avait su trouver les bons arguments pour le convaincre et bien évidemment il avait fini par accepter cette excursion pour le moins insolite.
Malgré un esprit cartésien qui l’amenait toujours à trouver une explication plausible aux choses, ce qui agaça Isabelle qui voulait s’imprégner de la magie du lieu, Kevin reconnut - à demi mot- au terme de ces cinq jours, qu’il avait été bluffé par la beauté du lieu et l’ambiance particulière qui s’y dégageait. Lui qui n’aimait pas marcher avait au final bien apprécié cette excursion, séduit par cette éclosion de couleurs, ces arbres centenaires aux branches fantasques, ces coteaux rocailleux aux teintes rougeoyantes, ces sentiers broussailleux parsemés d’ajoncs, de landes, de genêts et bruyères… Oui, il devait bien l’admettre mais de lui à lui seulement, que ce séjour l’avait enchanté, qu’il avait aimé également se retrouver en amoureux avec Isabelle dans cette petite auberge calfeutrée qui se prêtait si bien aux amoureux et à l’intimité.
Certes il ne croyait pas aux légendes et encore moins à ses soit disant esprits qui hantent les halliers de la forêt à la tombée du soir mais amusé, il s’était pris quelque peu au jeu, allant même jusqu’à ingurgiter le dernier jour la potion de cette vieille conteuse aux allures de sorcière.
« Le pouvoir de cette potion, lui avait elle dit, prendra effet ce soir à minuit et s’achèvera au lever du jour. Elle libèrera ton esprit et te fera retrouver ton regard d’enfant.
De retour chez eux, il se souvient qu’ils avaient grignoté, parlé un peu puis s’étaient couchés. Il s’était endormi comme un loir.
Qu’avait donc mis cette vieille folle dans son breuvage ? Sûrement des champignons hallucinogènes car il se voyait tout d’un coup statufié, assis sur un banc dans une ville qui lui était parfaitement inconnue. Peut être était-il tout simplement en proie à un cauchemar et de toute évidence il allait se réveiller et retrouver toute sa lucidité.
Assis sur ce banc sans possibilité de parler, de se mouvoir, Kevin se sentit soudain vulnérable, fragile, tel un gamin qui a perdu son chemin. Il fût cependant surpris de voir que les gens ne manifestaient pas d’hostilité à son égard, comme si sa présence leurs était familière. Certains lui caressaient même le visage, le prenaient en photo, vantant son élégance, la finesse de ses traits, son sourire… Etait ce bien de lui qu’ils parlaient ? Il ne voyait de son image que des grandes bottes qui lui montaient jusqu’aux genoux et les pans d’une espèce de redingote sortant tout droit du second empire. Visiblement il portait un chapeau et tenait dans sa main un livre. A quoi pouvait- il ressembler accoutré de la sorte. Etait –il vieux, jeune ?
Amusé par les confidences et bavardages des uns, par la physionomie et attitudes des autres, par les jeux de ces gamins qui s’amusaient autour de lui, il se laissa aller à quelques fantaisies et contre toute attente se mit à échafauder histoires et scénarios. Qui sait peut être que la vieille dame de Brocéliande l’avait bel et bien transformé en Merlin l’enchanteur ou pourquoi pas en roi Arthur en quête du Graal, à moins qu’il ne fût une sorte d’Harry Potter ou un écrivain, genre Lewis Carroll par exemple. De fil en aiguille, laissant aller ses pensées, il se rappela l’enfant espiègle et aventureux qu’il était. Il se revit avec Julien son ami d’enfance, inspirés sans doute par les séries télévisés de l’époque, en train de se lancer dans les aventures les plus folles pour affronter extra terrestres, gorilles, dragons et monstres de toutes sortes. C’est vrai qu’il avait bien changé et perdu de cette petite flamme qui l’animait enfant. Toutes ces images du passé qui défilaient à présent dans sa tête, lui firent soudainement repenser à sa mère, aux histoires qu’elle lui contait le soir avant de s’endormir et bien qu’il ne pût bouger un cil, il sentit soudain l’émotion l’envahir. Sept ans qu’il ne l’avait pas vue ! Il avait très peu connu son père mais malgré tout il n’avait jamais pu admettre qu’elle se remarie et encore moins qu’elle s’en aille vivre au Portugal. Quel âge avait- il au juste ? Vingt cinq ans au moins puisqu’il était déjà parti de la maison pour vivre avec Isabelle. Tout d’un coup la situation lui parut grotesque, digne d’un comportement d’enfant gâté, possessif et profondément égoïste. Au lieu d’admettre ses torts, il en prenait conscience, il s’était emmuré dans son orgueil, dans sa souffrance aussi, écartant tout ce qui pouvait lui rappeler son enfance allant même jusqu’à refuser à sa compagne d’être à son tour une mère. Quel bougre d’idiot il était !
Cauchemar, sortilège ou simple éveil de la conscience, au fond quelle importance ! Sorti de son sommeil léthargique, après ces cinq jours passés à Brocéliande, Kevin ne fut plus tout à fait le même homme.
Les vacances qui suivirent, ils partirent au Portugal où il retrouva avec beaucoup d’émotion, sa mère et les joies de l’enfance. Il fit plus ample connaissance avec son beau père qu’il avait jugé sans vraiment le connaitre. C’était un homme simple, accueillant, attentionné qui menait une vie tranquille et rendait sa mère heureuse. L’été suivant naquit le petit Tom et deux ans plus tard la malicieuse petite Sophie. Sam le chien prit également place dans le salon.
Brocéliande marqua le départ de cette nouvelle vie. Un joli conte de fée que Kevin se plaisait à raconter à ses enfants espérant bien les y amener dès qu’ils seraient un peu plus grands.
Qui sait, peut être rencontrera t–il alors au détour d’un chemin, cette vieille conteuse aux allures de sorcière qui avait contribué à leur bonheur.
Chloé
.
-
Commentaires
Ah les femmes savent être convaincantes et ma foi il ne le regrette pas son séjour au coeur de Brocéliande... et puis échange de bon procédé, madame ira à Londres ! Bon lundi Chloé, bises
j'ai adoré ton conte et la "morale" de l'histoire grand bravo et merci pour cette magnifique participation
je te souhaite une douce journée
Coucou Chloé
Quelle belle participation ! j'aime beaucoup ! Et en prime une belle fin...
Merci et bisous
Voilà un thème qui t'a bien inspirée. J'ai pris beaucoup de plaisir à te lire.
Merci pour cette belle participation.
Bisous.
Domi.
Ajouter un commentaire
Je n'ai pas les contes mais j'ai lu avec beaucoup de plaisir celui-ci tant il est bien écrit et ancré dans une certaine réalité. Il y a des rencontres qui peuvent changer nos vies et des difficultés aussi. Merci beaucoup. Belle semaine