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Mil et une. Semaine 45. Mon vieux ciné de Chloé
Le mot à intégrer facultativement est :
MERIDIEN(NE)
Le vieux Ciné
Attenant à la bâtisse où résidait la môme, bien sûr que ce vieux ciné ne lui appartenait pas mais dans sa tête de gosse c’était comment dire, sa dépendance ? Sa résidence secondaire ? Son terrain de jeux ? Bref « Pas la peine de chercher midi à quatorze heure » dans sa caboche de mouflette, c’était chez elle et point barre ! C’est vrai quoi, son père tournait le film, sa mère tenait la confiserie, sa voisine d’en haut le guichet, celle d'en bas la buvette et elle et sa sœur aînée dès qu’elles en eurent l’âge , faisaient les entrées. Autant dire donc que c’était une entreprise quasi familiale !
Elle en a ingurgité des films la gamine durant sa jeunesse « des films d’aventure, des cowboys, des ponts de la rivières kwaï, des canons de Navarone, des gendarmes à St Tropez en veux tu, en voilà , des Bourvil , des Bebel... » Oui, elle en a bien profité et les copains aussi d’ailleurs ! Et hop, ni vue ni connue et vas y qu’elle te file un ticket par ci, un ticket par là et discréto, quand sa mère avait le dos tourné… un bonbec par ci, un bonbec par là ! Oh ça va, elle vous entend déjà dire « c’est pas bien la môme, c’est pas bien! » Bon ben de toutes façons, y’a prescription et puis au fond c’était juste une maigre compensation en nature pour les services qu’elle rendait à la paroisse ! Faute avouée à demi pardonnée, non?
Mais le ciné ne se limitait pas à ces films qu’elle pouvait voir à volonté . Les après séances étaient elles aussi toutes aussi pimentées et offraient à la bambina et à ses copains de cour une multitude d’activités et de possibilités non négligeables !
D’abord il y avait les fameuses chasses aux trésors pendant que la mama balayait le ciné durant lesquelles , à la recherche de papiers de carambar et d’éventuelles pièces qui auraient pu se glisser par inadvertance sous les méridiennes et strapontins , ils inspectaient minutieusement chaque coin et recoin de la salle . C’était la joyeuse époque des DH à points qui donnaient droits à des cadeaux quand on en avait acquis suffisamment, si on n’oubliait pas comme eux de les expédier. Mais bon, leurs restaient quand même les blagues qui les faisaient marrer et qu’ils ressortaient ensuite aux camarades de classe. Le butin au final n’était jamais bien gros mais leur plaisir lui était énorme !
Ensuite il y avait les incontournables parties de cache cache dans le noir. Il va de soi que tout cela se passait à l’insu de ses parents, de préférence même quand ils étaient absents , histoire qu’elle puisse dérober la clef et la remettre ensuite à sa place avec discrétion. Oui je sais, vous lui diriez à nouveau « c’est pas bien la môme ça, c’est pas bien ! » En tous cas, quoi qu’il en soit, elle et ses copains ne sont jamais fait griller, même pas la fois où le curé de la paroisse avait déboulé à l’improviste. Imaginez seulement une minute, quinze gamins tapis sous les fauteuils dans l’obscurité la plus totale tout ça dans un silence radio absolu sans l’ombre même d’un fou rire, d’un éternuement, d’un grincement de dents… Assez incroyable ces mouflets , pas vrai ? Le vieux bougre n’y avait vu que du feu ! Faut dire qu’il était resté à l’extérieur de la salle mais quand même !
Aux premiers amours naissant quand fleurissaient dans la pénombre les premiers baisers et flirts clandestins, les parties de cache cache très convoitées comptaient de plus en plus d'adhérents, ce qui fit monter d'un cran l’adrénaline et obligea la demoiselle à redoubler de prudence pour déjouer la surveillance.
Puis il y eut la dernière séance, que voulez vous , il en faut bien une pour écrire le mot fin La môme rembobina alors le film de sa jeunesse en laissant derrière elle le vieux ciné. Fin de l'histoire et" le rideau sur l'écran est tombé"
Quelques décennies ont passé et le temps où on l’appelait la môme est bien loin à présent. Le vieux ciné existe toujours et bien qu’un peu rafraîchi , il a gardé sa façade d’avant. Tout l’intérieur lui a-t-on dit, à été entièrement rénové mais la configuration est restée la même : le guichet, la confiserie, la buvette…
Bien qu’elle passe souvent devant , elle n’y ait jamais rentré depuis. Qu’irait-elle y chercher aujourd'hui, je vous le demande, puisque l'affiche à changé et qu'elle à conservé en l’état, dans sa mémoire de cinéphile, la version originale et intégrale de son film.
Chloé
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Commentaires
On avait un ciné de quartier tenu par une famille, des sièges en bois et sans la vitrine devanture les photos des films à venir, rien à voir avec les salles d'aujourd'hui, mais on était heureux d'y aller... occasionnellement, souvenir, souvenir aussi, il n'est plus...
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Cela me fait penser à cinéma paradisio. Quel bonheur ce doit être quand on est enfant d'avoir des parents qui tiennent un cinéma. Tu le racontes très bien.
C'est bien que cet ancien cinéma existe toujours et qu'il n'ait pas été tué par les multiplexes inhumains
Merci pour ce beau texte.